mercredi 8 janvier 2014

L'expatriation et les voyages dans le pays d'origine

Vaste sujet aujourd'hui... Pour les vacances de Noël 2013, j'ai eu l'occasion d'aller en France, avec quelques jours en région parisienne et le reste de mon séjour en Provence. Le moment propice pour une réflexion sur certaines conséquences de l'expatriation... et des sentiments qui semblent partagés par tous les expatriés lorsqu'ils reviennent à leurs racines.


Autopsie d'un retour classique :



L'envie est là. Beaucoup de monde à revoir, famille, amis, des lieux à redécouvrir, des envies diverses (quand on vient du Canada, on a généralement envie de se gaver de baguette-fromage et autres spécialités typiquement françaises). On va retrouver généralement des objets laissés sur place qui manquent dans la vie quotidienne (des livres surtout en ce qui me concerne!!). L'impatience de ces (re)découvertes et retrouvailles, combinée avouons-le au fait de ne plus penser au travail pendant quelques temps, conduit généralement à attendre ce voyage avec hâte et joie. 



Les premiers jours, tout se passe effectivement comme prévu. Retrouvailles, lieux connus, habitudes somme toute vite reprises. Quelques réflexes canadiens restent cependant : compter les taxes et les tips (pourboire) à chaque café ou restaurant (pour une fois, ça fait plaisir de voir la note quand il ne faut pas y rajouter 30%!!), se balader en simple pull quand tout le monde porte manteau et écharpe, réapprendre à écrire sur clavier azerty et caler à la reprise en main d'une voiture manuelle... Mais soyons honnêtes, les connaissances reviennent tout de même rapidement. 



Au bout de quelques jours (dépendamment des circonstances, ce n'est pas une loi immuable!), les choses changent un peu, parfois imperceptiblement, parfois moins. Quelques exemples en vrac : 



- les lieux ont changé... nouvelles routes, variations certes peu importantes mais quelque peu déstabilisante comme nouveaux rond-points, carrefours, chemins... Des habitations ont poussé là où il n'y avait que des terrains vagues, des zones se sont privatisées, des arbres ont disparu. 



- la culture : des gens te parlent de musique, de films, de choses que "mais si voyons, tu connais forcément"! Eh ben non... la culture existe au Canada, elle n'est cependant pas totalement identique à la culture française, et si je ne connais pas les nouvelles sorties en France, je suis aussi bien en peine d'expliquer ce que j'ai absorbé de culture québecoise...



- les amis/copains/connaissances... là on entre à mon sens dans la plus grande difficulté de l'expatriation. Pas dans le pays choisi mais lorsqu'on retourne dans la pays d'origine. Certaines amitiés sont indéfectibles et on peut reprendre une conversation avec quelqu'un qu'on n'a pas vu depuis 2 ans comme si la séparation datait de la veille. Mais il y en a d'autres ou ce n'est pas le cas ; pour ces dernières, 2 situations possibles : 

        - les gens n'ont pas changé. Mais alors pas du tout. Et si ça peut sembler rassurant, c'est très vite ennuyeux, en particulier pour les gens qui n'ont jamais pris la peine de bouger de la petite ville ou ils sont nés. Ce n'est pas une critique, mais force est d'avouer que lorsqu'on est parti dans un autre pays un certain temps, on est beaucoup plus enclin à partager des relations avec d'autres "expats". 
        - ils ont beaucoup (trop) changé... les chemins sont complètement différents et on ne retrouve plus la personne qu'on a connue... 
En réalité, le 3e cas de figure, le plus fréquent, ce sont les gens qui ont suivi leur propre chemin, et qui donc par définition ont évolué. Normal, mais l'évolution n'est pas du tout parallèle à celle que nous on connaît. Résultat, lorsqu'on se revoit, passé quelques banalités, on n'a plus grand chose à se dire... Leur vie nous semble ennuyeuse, et eux ne s'intéressent pas le moins du monde à l'expérience qu'on est en train de vivre à l'étranger. 


Expérience personnelle : certaines personnes ne savaient même pas ce que j'étais en train de faire comme études à l'étranger, en fait certains ne savaient même pas que j'étais étudiante. Sans demander à ce que tout le monde connaisse par coeur mon sujet de recherche (somme toute très obscur pour les non-initiés à la biologie), le fait que les gens demandent encore "est-ce que tu pourras enfin être laborantine après?" est tout de même assez vexant. 

La conséquence de tout ça, c'est qu'à chaque visite dans le pays d'origine, le carnet d'adresses s'orne de plus en plus de noms barrés. C'est un fait partagé par tous les expatriés que je connais. 


- les français en général : c'est là qu'on s'aperçoit que certains clichés sur les français ne sont pas totalement faux... Et le plus courant, c'est : "les français râlent tout le temps". Il faut avouer que c'est vrai. Les congés/le temps de travail/la politique/la météo/l'éducation/la santé. (Sur ce dernier point, je rappelle expérience à l'appui que le système français est vraiment l'un des meilleurs au monde...). Cette overdose de mauvaise humeur fait vite déprimer. 



"Ben puisqu'elle pense tout ça, elle n'a qu'à repartir et rester au Canada" penserez-vous. Certes. Mais c'est pas aussi simple que ça... Le bilan du retour en France est généralement "ce n'est plus vraiment chez moi". Mais dans le nouveau pays, le bilan est très très souvent "ce n'est pas totalement chez moi". Et nous voilà dans la plus importante conséquence de l'expatriation : trouver l'endroit ou on se sent parfaitement à sa place Avec plusieurs possibilités : 

- on tente l'impatriation et la France redevient notre pays (à savoir que beaucoup de ré-impatriés finissent par repartir). 
- on tombe totalement en amour avec le nouveau pays et la question du "chez soi" ne se pose plus
- on se retrouve, comme souvent, à bouger régulièrement... si on a de la chance, on intègre qu'il n'y a pas un lieu précis ou l'on se sent chez soi, et que n'importe où où l'on posera ses valises, ça ira. Dans le cas contraire, on se retrouve éternel insatisfait à déménager tous les 2-3 ans dans l'espoir d'un endroit meilleur qui nous correspondrait davantage. 


N'allez pas croire que je déconseille l'expatriation. C'est à mon sens une expérience qui permet une ouverture d'esprit difficile à avoir pour ceux qui ne l'ont jamais fait. C'est aussi la découverte d'une culture différente  qui conduit à des idées nouvelles, et des rencontres très enrichissantes. Mais il importe de savoir que ce ne sera pas toujours facile, et qu'il faut se préparer à quelques déconvenues... 



Allez un prochain post plus joyeux! :)


Bonne année 2014 à tous!

1 commentaire:

  1. Je valide tout ce que tu dis.

    Chaque retour en France correspond un peu à une étape d'un deuil :)
    Choc, colère, marchandage, dépression, acceptation.

    Ça prend plus ou moins de temps, mais au final, je dirai que ça finit bien. On est content de rentrer, on profite des gens qu'on veut voir, on mange ce qu'on aime, on se fait chouchouter, on profite des vacances.
    De temps en temps on les écoute se plaindre d'avoir attendu 2h aux urgences tout en sachant qu'il y a pire ailleurs, mais leurs 2h leur semblent plus importantes que les 12h du reste des québécois.

    Pour les amis, je confirme que très peu reste... Mais ce sont les meilleurs!

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